Pourquoi cette comparaison ? Car certains compositeurs comme Rossini étaient aussi de grands cuisiniers ! Plus sérieusement, l’art culinaire parle au plus grand nombre tandis que le travail du son parait souvent plus obscur. À la télévision, on voit fleurir des émissions de cuisine qui rencontrent un grand succès, bien que les spectateurs soient privés de la perception la plus importante : le goût. L’ouïe est un sens dont la plupart des gens sous-estiment l’importance, car tout comme le goût et l’odorat, il accède directement à nos émotions.
Note : Dans cet article, je ferai des analogies entre le travail du son et l’art culinaire. Il s’agit bien sûr de rapprochements métaphoriques qui ont uniquement une finalité didactique.
Le sound design, traduit en français par illustration sonore, habillage sonore ou encore conception sonore selon le contexte, est un terme assez large qui regroupe plusieurs étapes distinctes : l’enregistrement de sons, le bruitage, le montage son et le mixage.
Le montage son
C’est la forme la plus répandue de design sonore. Il s’agit d’assembler plusieurs sons différents pour créer un nouvel effet sonore ou une bande son originale. Il n’y a pas de règles, les sources peuvent être multiples. On peut tout à fait assembler des sons enregistrés à l’extérieur avec d’autres issus de studio, des bruitages et des effets sonores provenant de sonothèques. Chaque concepteur sonore a sa propre stratégie. En cuisine, on peut tout à fait prendre des ingrédients de plusieurs origines pour les assembler dans un même plat. Chaque cuisinier a ses recettes et seul le résultat compte.
Les banques de sons (appelées aussi sonothèques) sont l’outil principal du monteur son. Elles permettent d’avoir rapidement accès à une grande variété de sons génériques ou spécifiques. Il existe par exemple des bibliothèques consacrées à un seul modèle de voiture. Une banque de son est un peu comme un grand réfrigérateur de contenu audio dans lequel le monteur son peut rapidement puiser ce dont il a besoin.
Il existe des sonothèques très générales et sur-utilisées. Je les comparerais à des boites de conserves. Leur goût est toujours le même, mais elles peuvent parfois servir lorsqu’elles complétent une recette, et ne sont pas seules dans l’assiette. Un son très générique peut devenri original et servir une illustration sonore ou musicale si on le combine à d’autres sons, ou si on lui applique des effets créatifs pour le transformer.
Le bruitage
Le bruitage est sans doute la forme la plus ancienne de design sonore. Il consiste à reconstruire les sons qui accompagnent l’action de manière artificielle. Les bruiteurs cinéma utilisent de nombreux accessoires sélectionnés pour leur originalité sonore. Certains objets produisent des sons totalement inattendus, comme des gants en plastique pour bruiter des ailes d’oiseaux. C’est l’imaginaire sonore des bruiteurs qui donne vie au son à l’écran.
D’ailleurs, il est très difficile de rendre le son d’une scène vraiment réaliste sans une passe de bruitage. Ce dernier donne vie au mouvement et aux êtres vivants et constitue un liant très fort pour la bande son d’un film. Un peu comme une sauce donne de la cohérence à un plat et lie ses ingrédients.
La synthèse sonore
C’est un outil très puissant pour créer des sons qui n’existent pas. Elle est très utilisée dans la production de musique électronique. En création audio, la synthèse permet la réalisation de sons uniques. C’est très utile pour créer un logo sonore ou un jingle immédiatement reconnaissable. Pour ma part, j’utilise beaucoup la synthèse pour le sound design automobile.
La synthèse sonore a un goût très marqué et caractéristique. Les sons qui en sont issus sont très purs et très réguliers, ce qui les rend peu naturels. Mais c’est souvent l’effet qu’on cherche quand on l’utilise, par exemple quand on veut représenter la technologie à travers l’identité sonore d’une marque. La synthèse sonore, c’est un peu comme ce qui est synthétique en cuisine : les colorants et les arômes artificiels. Leurs goûts sont très marqués et reconnaissables mais plaisent à certaines personnes.
Le mixage
C’est la phase finale qui permet de donner une cohésion à une création sonore. Le mixage permet de mettre chaque son à sa place et de créer l’équilibre sonore de la bande son. C’est par définition une étape de mélange. Mais c’est aussi comme la cuisson d’un plat, celle qui révèle les saveurs. Au mixage, on dose, on corrige et on équilibre les sons entre eux. Un mythe assez répandu veut que le mixage serve à réparer une mauvaise prise de son. Comme pour la cuisine, si les ingrédients sont de mauvaise qualité, le plat a peu de chance d’être réussi, même avec le meilleur savoir-faire et la meilleure recette.
En sound design, on invente souvent de nouvelles recettes à force de tests, d’erreurs et d’expérience. Parfois, on ressent le besoin de découvrir les méthodes de travail d’autres professionnels en se demandant : « c’est une sonorité inédite pour moi, comment ont-ils fait pour créer ce son? ». On se documente alors en lisant, en regardant des making of ou des tutoriels, un peu comme un cuisinier chercherait des idées dans un livre de recettes.
Crédit photo : Katie Smith