Fusils, pistolets, revolvers et armes automatiques, les coups de feu sont parmi les sons les plus populaires du grand écran et des jeux vidéos. Ils sont peut-être aussi les moins fréquents de la vie quotidienne (voir 12 sons qu’on croit connaitre). Quel lien y a-t-il entre le son à l’écran et le son réel ?
D’un point de vue physique
Lorsque qu’on tire avec une arme à feu, une grande quantité d’énergie est dégagée en un temps extrêmement court. A 1 mètre, la déflagration atteint un niveau sonore (ou niveau de pression acoustique) très élevé. Selon l’arme et la munition, il atteint 140 à 160 dBA. Pour mieux situer ce genre de volume, voici une échelle des décibels :
La norme de diffusion au cinéma fixe le volume maximal que l’on peut atteindre dans une salle (correctement calibrée) à 105 dBA. Cela correspond à 45 dB de moins qu’un vrai coup de feu. Pour calculer le rapport entre ces deux volumes sonores : 45 dB = 15 x 3 dB. L’énergie est multipliée par 215 soit 32768.
Il a donc en théorie un rapport 30 000 entre le niveau sonore d’un vrai coup de feu et sa représentation au cinéma. Et c’est flagrant dans la pratique. Lorsque j’ai enregistré pour la première fois dans un stand de tir, j’ai été surpris de ressentir une onde de choc dans tout le corps et de trouver le son très fort malgré les protections auditives. Mes préamplis micro étaient réglés au minimum, à des valeurs que je n’avais jamais utilisées. Si on voulait retrouver de tels niveaux sonores au cinéma, il faudrait des haut-parleurs d’une puissance phénoménale. Mais ça n’aurais aucun intérêt à part rendre les spectateurs complétement sourds.
Si l’expérience du son réel est si différente de la fiction, comment alors faire ressentir au spectateur une émotion suffisamment proche de la réalité ?
La solution est essentiellement psycho-acoustique : allonger la durée du son pour le faire paraitre plus fort.
Enregistrer une arme à feu
Les ingénieurs du son qui enregistrent des tirs d’armes à feu utilisent généralement des magnétophones multipistes et plusieurs micros. Certains sont placés proches de l’arme pour capturer un son très net et d’autres à distance permettent d’enregistrer la réverbération du coup de feu.
Voici par exemple le son d’un fusil militaire que j’ai enregistré à 1 mètre. Le son est très court et n’a pas de caractère propre. Il ne véhicule pas de sensation sonore particulière et pourrait être celui d’un pétard à mèche ou d’un feu d’artifice.
Ce n’est pas la même chose n’est-ce pas ? Et bien croyez-le ou non, les deux sons ont le même volume. Notre oreille n’est simplement pas sensible aux sons trop courts. Ils paraissent moins fort et notre cerveau n’a pas le temps de les analyser. Le deuxième son, très réverbéré, génère une émotion beaucoup plus forte. Il parait plus puissant et expressif.
Le mixage de plusieurs sources
En sound design, on mélange souvent des sons différents pour créer un effet sonore particulier. C’est la définition même du mixage sonore. Pour les tirs, quand on dispose d’une prise à plusieurs micros, on peut fabriquer une infinité de mélanges avec les différentes pistes.
On ajoute aussi souvent des sons contextuels comme des bruits mécaniques de culasse, les douilles qui tombent, etc. Même si dans la réalité ces sons sont souvent masqués car trop faibles par rapport à la détonation, on les utilise pour apporter de la personnalité aux coups de feu. Quand on ne cherche pas de réalisme mais plutôt une émotion particulière, on peut mélanger des sons totalement différents comme des tirs de canon, des explosions ou même des sons qui n’ont rien à voir. On travaille ainsi sur le timbre du son.
Voici un exemple issu de Terminator 2 de James Cameron. Cette scène est la première confrontation entre les deux cyborgs, où l’on découvre qui est l’allié et l’ennemi. Pour souligner la puissance des machines, le son des armes est démesuré. Remarquez comment la réverbération (qui ne correspond pas du tout au lieu) amplifie la sensation de volume sonore.