Le sound design est une discipline qui combine plusieurs savoir-faire, au carrefour des métiers de bruiteur, ingénieur du son et compositeur. Aujourd’hui, les sound designer ont a leur disposition une myriade d’outils. Voici un aperçu des principaux.
1 Les microphones
Le microphone (et son enregistreur) est l’outil le plus ancien et sans doute le plus important pour un sound designer. Il permet de capter la grande majorité de la matière sonore nécessaire au sound design. Quand je voyage, j’emporte toujours avec moi un enregistreur pour collecter des sons inattendus, étranges ou difficile à reconnaitre, que je pourrai un jour exploiter comme base pour produire un son inédit. Les sons réels ont l’avantage de toujours sembler réalistes, même s’ils sont complétement détournés. Par exemple, le son électrique d’un tramway peut facilement évoquer une navette spatiale. Le grognement d’un lion peut faire croire au cri d’un dinosaure. Notre cerveau aime se rattacher à des sons qu’il connait.
Seuls certains sons très spécifiques nécessitent de la synthèse sonore pure, mais avec de l’imagination et un peu d’expérience, on peut obtenir ou imiter à peu près n’importe son avec un simple micro, des accessoires adéquats et quelques effets de traitement.
Il existe aussi des manières détournées de se servir d’un micro, par exemple en ultra-proximité, à travers un tuyau, sous l’eau, en soufflant dessus, etc. L’une des plus célèbres utilisation détournée d’un micro est sans doute celle de Ben Burt pour créer le mythique son du sabre laser.
Les microphones non-aériens
Il existe aussi des microphones particuliers qui ne captent pas les vibrations de l’air. Ces micros sont courament appelés des transducteurs (bien qu’un micro aérien soit aussi techniquement un transducteur).
Les micros de contact, piezzo ou accéléromètres captent les vibration d’un objet par voie solidienne. A partir d’une même source sonore, on peut obtenir des sons très différents de ceux qu’on entend par voie aérienne. C’est pour cette raison que notre voix nous semple toujours étrangère lorsqu’on l’entend depuis un enregistrement, nous sommes habitués à nous entendre en partie par transmission osseuse, comme un micro de contact. J’utilise souvent le Barcus Berry 4000, le LOM Geofon ou encore le C-Ducer.
Certains transducteurs captent les vibrations de l’eau: les hydrophones (lire l’article Bruitage sous-marin) et peuvent aussi servir de micro de contact.
Les capteurs élétromagnétiques, comme leur nom l’indique, captent les variations du rayonnement d’un champ électromagnétique, comme le font les « pickups » de guitare électrique. Grace à des outils comme le LOM Priezor, on peut capter les ondes radio générées par toutes sortes d’appareils électriques ou électroniques pour les transformer en sons fascinants, par exemple :
2 L’ordinateur et la station de travail audionumérique (DAW)
Véritable révolution dans le monde de l’audio, l’ordinateur concentre un très grand nombre d’outils qui permettent de transformer et de façonner le son. En voici quelques uns :
La sommation
Superposer plusieurs sons est l’opération la plus simple du design sonore : un premier son + un deuxième son = un troisième son.
La manipulation, qui nécessitait jadis une table de mixage et deux magnétophones, est aujourd’hui extrêmement simple grâce aux stations audionumériques comme ProTools ou Cubase, dans lesquelles on peut superposer un nombre presque infini de sons (encore faut-il les choisir judicieusement!)
Pour qu’un effet sonore composite soit réussi, il faut que chaque couche apporte une information au son final. Par exemple, pour créer le son son d’un tremblement de terre, il est judicieux d’associer un son de basse fréquence, qui simule la vibration du sol, avec d’autres sons qui évoquent les effets du tremblement de terre (des objets qui tombent, le sol qui se fissure, etc). Si on se contente d’additionner plusieurs sons de basse fréquence, l’effet obtenu sera brouillon et peu évocateur.
Le choix pertinent des différentes couches qui composent un effet sonore est une compétence importante en sound design.
Les effets de traitement classiques
La liste des effets que l’on peut appliquer à un son est gigantesque : égaliseur, pitch-shifting, delay, réverbération, flanger, chorus, modulateurs. La plupart de ces effets existaient bien avant le numérique sous la forme de machines encombrantes et onéreuses. Aujourd’hui, grâce aux plug-ins, on peut traiter un son très facilement, faire de nombreuses itérations, sauvegarder des presets. De la sorte, on gagne du temps (et beaucoup de place dans le studio).
On trouve aujourd’hui une très grande variété d’effets de traitement sous forme de plugins et chaque sound designer a ses plugins favoris.
Les effets modernes / complexes
La convolution est un effet de traitement assez récent qui utilise une empreinte acoustique. Ce principe est surtout utilisé dans les réverbérations de nouvelle génération dites « à convolution », qui sont les plus réalistes pour reproduire des espaces acoustiques réels. Mais la convolution peut aussi servir à simuler un haut-parleur ou n’importe quel objet, à partir d’une simple réponse impulsionnelle.
Il existe aussi des plugins créatifs très complexes qui permettent de chainer plusieurs effets entre eux pour dénaturer complètement un son ou une voix.
Les synthétiseurs sont très utiles pour créer des saveurs sonores particulières de type magie, sons d’interface UI, mais aussi du vent, de la pluie, des vagues, des sons de moteur ou des effets sonores comme des risers ou downer.
Les effets procéduraux
Cousins directs de la CGI (Computer Generated Imagery), de nouveaux logiciels sont apparus récemment pour fabriquer des sons de manière procédurale, c’est à dire grâce à des algorithmes. On peut multiplier des sons à l’infini, découper les sons en petits grains pour en créer d’autres ou faire des morphings entre différents sons.
Les moteurs audio interactifs conçus pour les jeux vidéo (lire aussi Le sound design de jeu vidéo), permettent de combiner et de contrôler les sons en fonction de paramètres et d’évènements. Ces logiciels, qui ressemblent assez à une station de travail audionumérique, permettent de randomiser des paramètres comme la hauteur ou le volume d’un son pour éviter les répétitions à l’identique. Dans l’absolu, on peut créer une infinité de sons différents avec seulement deux sons de base.
Autant de nouveaux outils créatifs pour explorer de nouveaux horizons.
3 Les banques de sons
Grâce au bond des capacités de stockage numérique et à la conservation parfaite de ses données, les banques de sons (ou sonothèques) sont un précieux atout pour la création sonore.
Les banques de son personnelles contiennent le fruit d’années d’enregistrement, d’expérimentation, de sons créés pour des projets non-utilisés, etc.
L’avantage d’entretenir sa propre banque de sons est d’avoir à portée des sons originaux dont on connait exactement l’origine et l’histoire. L’inconvénient d’une banque personnelle est qu’elle ne pourra jamais être exhaustive, tant il existe de sons à travers le monde. C’est pourquoi les sound designers achètent aussi des banques de sons commerciales à des éditeurs ou des preneurs de son indépendants. Vous pouvez découvrir mes banques de sons sur le site Asoundeffect.
Quand le temps alloué à un projet ne permet pas de d’enregistrer tous les sons que l’on souhaite, on peut puiser sons parmi le très grand nombre de banques de sons commerciales disponibles.
Les banques de son gratuites comme freesound.org sont alimentées par des amateurs et des professionnels du monde entier. La qualité sonore et la pertinence des sons qu’on y trouve est parfois moyenne, mais la multitude de sons présents permet parfois de trouver de l’inspiration .
L’ensemble des banques de sons est indexé et géré par un logiciel de recherche spécifique, comme Soundminer ou Soundly, qui fonctionne en lien étroit avec le séquenceur. Il permet de rechercher, sélectionner et découper les sons avant montage.
4 Le studio
C’est le lieu qui rassemble la plupart des outils qui sont décrits dans cet article et dans lequel je passe beaucoup de temps. Comme tout studio dédié au son ou à la musique, celui d’un sound designer doit disposer d’un bon traitement acoustique. La qualité des enregistrements et surtout une écoute la plus neutre possible en dépendent. Le confort et l’ergonomie sont très importants car ils permettent de travailler longtemps et efficacement.
On trouve dans un studio à minima des enceintes de monitoring et un ordinateur pourvu d’une carte son. Pour plus de confort et d’efficacité, on peut ajouter une surface de contrôle, une écoute secondaire, un double ou triple écran, divers périphériques audio et MIDI, un contrôleur de monitoring, etc.
L’agencement d’un studio et le choix du matériel qu’il contient est assez personnel. Certains ingénieurs du son ont des préférences pour des modèles d’enceintes et de micros qu’ils connaissent bien. Certains aiment la lumière du jour tandis que d’autres ont besoin d’obscurité pour mieux se concentrer sur le sens de l’audition.
J’ai conçu mon studio comme un atelier polyvalent et lumineux. Je peux y enregistrer bruitages et voix avec une acoustique neutre, traiter mes sons, composer de la musique, l’interpréter, faire du montage son et du mixage en 5.1 . Voir ma liste de matériel.
Ci-dessous mon studio.
5 Les accessoires et objets sonores
Sound design et bruitage partagent une large palette d’outils. Tout comme les bruiteurs, certains sound designer collectionnent des objets ou des instruments de musique pour créer des sons particuliers.
Pour ma part, je collectionne des appeaux, des objets en bois, en métal, en plastique, des échantillons de tissus, des jouets, des mécanismes, et de nombreux instruments de musique. Tous ces objets offrent une infinité de combinaisons pour créer des sons inédits et originaux. L’inspiration se trouve à portée de main : il suffit d’expérimenter, d’écouter, et de reconnaitre le son pertinent. C’est une sorte de banque de son vivante et interactive !
Conclusion
La liste de ces outils n’est pas exhaustive, et de nouveaux plugins, micros et transducteurs apparaissent chaque année. Il est parfois difficile d’anticper l’utilité qu’on aura d’un nouvel outil, et la tentation est parfois grande d’acquérir de nouveaux gadgets. Mais n’oublions pas que les outils sont uniquement au service des principaux atouts d’un sound designer : son oreille, son expérience et son imagination.
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