Nicolas Titeux

Ingénieur du son | Sound designer
Compositeur

Enregistrer les animaux

by | Déc 17, 2021

Enregistrer les animaux

Les chants et les cris d’animaux sont une source d’inspiration inépuisable pour les artisans du son.

La prise de son animalière se fait généralement dans un environnement naturel. La piste contient plusieurs éléments : le son principal, mais aussi d’autres sons en arrière-plan et de la réverbération. Par exemple quand on écoute un CD de chants d’oiseaux, le sujet n’est jamais complétement isolé. On entend aussi d’autres animaux en arrière-plan, du vent, des insectes, etc.

En design sonore, il est intéressant d’avoir à sa disposition des sons d’animaux dé-contextualisés, c’est à dire enregistrés en gros plan, avec le moins de bruit de fond possible. Ça permet de les travailler plus facilement et de les transformer. Les sound designers cinéma utilisent souvent des vrais cris d’animaux comme base pour créer des voix de monstres, d’aliens ou des cris de dinosaures.

Comment obtenir des sons d’animaux de haute qualité ?

Les animaux domestiques

 

Les animaux de compagnie sont facile à enregistrer et fournissent souvent une matière sonore intéressante. Certains sont surprenants par la richesse de leur répertoire et chaque animal a son caractère sonore unique. Les maitres qui connaissent bien leurs animaux sont de précieux alliés pour le bon déroulement des tournages.

Ces enregistrements ont toute leur place en design sonore.

Par exemple, j’ai enregistré un chien qui chantait sur commande pour sonoriser un loup qui meurt dans un jeu vidéo (aucun mal n’a été fait aux animaux bien sûr !)

Pour une série documentaire, j’ai transformé les miaulements d’un chat enroué en cris de marmotte préhistorique. Un chien qui grognait a volonté m’a aidé à fabriquer les vocalisations d’un yutyrannus, cousin du tyrannosaure. Voici deux grognements suivis des sons transformés.

Lors d’une promenade, j’ai essayé d’enregistrer un âne isolé que j’avais entendu braire plusieurs fois au loin. J’ai passé plusieurs heures à côté de lui sans qu’il émette le moindre son. C’est seulement quand je suis parti qu’il s’est mis à braire à nouveau. Ma présence avait l’air de le réconforter et il n’appelait plus ses camarades tant que j’étais là. J’ai donc placé mon micro sur un pied, activé l’enregistrement et fait semblant de partir. Bingo !

braiment ane

Les animaux sauvages

 

L’enregistrement d’animaux sauvages demande beaucoup de patience et de chance. Dans leur milieu naturel, on a rarement la garantie de rencontrer l’animal qu’on souhaite enregistrer. Tel un chasseur, on rentre souvent bredouille ou avec des sons trop lointains, trop courts ou trop bruités.

Certains audio-naturalistes comme Marc Namblard camouflent leurs enregistreurs et micros à proximité d’indices de la présence d’un animal, comme des traces de pas. Ces dispositifs, appelés pièges à son, captent l’ambiance sonore d’un lieu pendant des heures entières, et les sons de ses éventuels visiteurs.

Pour les animaux sauvages, l’idéal est de rencontrer des dresseurs. Ces passionnés connaissent parfaitement leurs animaux et sont d’une grande aide pour les enregistrer dans les meilleures conditions. Ils savent parfois même provoquer des cris avec des ordres ou de la nourriture.
J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs dresseurs et fauconniers grâce auxquels j’ai collecté des cris d’aigles, de chouettes, de perroquets et de vautours en grande proximité.

Les parcs zoologiques sont aussi un bon moyen pour collecter des sons d’animaux, même s’il est parfois difficile de composer avec les voix des autres visiteurs. L’équipe du parc animalier Zoa de Sanary-sur-mer m’a accueilli un jour de fermeture pour enregistrer quelques animaux pour le documentaire Félins d’Afrique, prochainement sur Arte. J’en ai profité pour collecter d’autres sons, le plus spectaculaire étant sans doute ce martin-chasseur géant d’Australie, ou kookaburra, qui semble répondre lorsqu’on communique avec lui.

Pour l’anecdote, le chant du kookaburra est souvent utilisé au cinéma dans des scènes de jungle, dans Tarzan, Indiana Jones ou encore Jurassic Park, alors que son auteur vit seulement en Australie. C’est sans doute parce qu’il ressemble au cri de certains singes.

Le chant des grenouilles

 

Mes voisins possèdent un bassin avec des grenouilles dont le chant égaye nos soirées de printemps.

Ce chant contient plusieurs phonèmes. Le fameux coassement qui domine, mais aussi d’autres sons qui ressemblent à des rires ou à des bruits mécaniques. J’ai voulu m’en constituer une banque de sons pour de futurs projets d’illustration sonore.

Il est facile de capturer l’ambiance caractéristique d’un concert de grenouilles à distance, mais quand on s’approche, les batraciens se taisent. Leurs yeux sont très sensibles au mouvement et leur chant ne reprend pas tant qu’on reste à proximité.

Chez les grenouilles, ce sont les mâles qui chantent, le plus fort possible, pour attirer les femelles. Pour obtenir mes gros plans sonores, j’ai eu l’idée de mettre les grenouilles mâles en concurrence avec… elles-même. Pour ça, j’ai diffusé dans mes écouteurs une prise de son que j’avais faite quelques mètres auparavant, au volume maximum. Immédiatement, les mâles se sont remis à chanter, comme pour concurrencer ces adversaires virtuels. En renouvelant l’opération plusieurs fois, j’ai réussi à approcher un micro à quelques centimètres d’une des grenouilles et obtenu un enregistrement de haute qualité pour ma sonothèque. En voici un extrait.

gros plan grenouille
Un exemple de design sonore à partir de sons d’animaux : Créer une attaque d’abeilles Quand on essaie de les enregistrer, certains animaux adoptent une stratégie de camouflage très élaborée.
chien et micro
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