Après une année de recherches, de trouvailles et d’aventures, ma nouvelle banque de son Ultrasonic Insects Volume 2 est disponible sur le site de A Sound Effects. Découvrez quelques secrets de fabrication.
Point de départ
Suite au tournage passionnant et au succès de ma première banque de sons Ultrasonic Insects Volume 1, j’ai décidé de poursuivre ma quête d’enregistrement des insectes avec cet incroyable micro qu’est le Sanken Co-100K.
Pour le volume 1, j’avais enregistré des insectes relativement courants et faciles à trouver, mais j’étais loin d’avoir fait le tour de la centaine d’espèces d’orthoptères de France susceptibles de chanter.
Pour le volume 2, j’ai mené des recherches pour connaître d’autres espèces dont le chant peut être interessant à enregistrer. J’ai établi un tableau contenant les lieux, les habitats et les périodes où ces insectes peuvent être rencontrés. J’ai utilisé pour cela plusieurs guides et consultés les référencements par l’INPN (Inventaire National du Patrimoine Naturel). J’ai repéré à l’avance plusieurs insectes remarquables, repartis dans la moitié Sud de la France, ce qui a nécessité de parcourir plusieurs milliers de kilomètres durant près d’un an.
Nouveau matériel
L’expérience de l’année dernière m’a amené à faire quelques mises à jour dans mon matériel. J’ai remarqué que je perdais souvent du temps à ajuster ma perche et mes câbles, rien de plus énervant quand on enregistre des insectes vifs et rapides. J’ai donc acheté une perche quart de tour avec un câble intégré. Pour plus de confort, j’ai aussi acheté une bonnette plus légère. J’y ai gagné en réactivité.
Le deuxième problème que j’ai rencontré était mes prises de vue. Avec un téléphone, il faut se rapprocher très près des insectes pour obtenir, avec de la chance, une photo médiocre. J’ai donc fait l’acquisition d’un appareil photo reflex avec un bon objectif macro pour faire de belles photos, pour les métadonnée et surtout pour identifier plus facilement certains spécimens. Par exemple, certaines espèces de sauterelles se différencient par la forme d’un petit organe invisible à l’oeil nu.
Anocdotes de tournage
L’un des premiers insectes de ma liste était la courtilière des vignes, Gryllotalpa Vineae, dont le chant est, parait-il, tellement fort qu’il s’entend à plus de cent mètres. Cet animal étrange, qui ressemble à un extra-terrestre, chante depuis l’intérieur d’un terrier en forme de pavillon qu’il creuse et qui lui sert d’amplificateur. La courtilière des vigne est assez rare, chante uniquement en début de nuit, le printemps, dans les vignes, quand les conditions de météo lui sont favorables. En Mars, des amis habitant à une heure et demie de route de chez moi en ont entendus plusieurs soirs de suite. Je suis donc allé passer un week-end chez eux, mais les courtilières n’ont pas chanté. Par la suite, j’ai attendu que mes amis me les signalent à nouveau mais comme les courtilières chantent pendant une heure ou deux, je n’avais jamais le temps de me rendre sur place. J’ai finalement choisi un autre site d’enregistrement, où je me suis rendu plusieurs fois sans résultat. Enfin, un soir de vent, je me suis garé au bord d’un champ de vigne, et le chant d’une courtilière a retenti, j’avais l’impression d’avoir découvert un trésor !
L’autre insecte qui m’a donné du fil à retordre est le Sténobothre hélicoptère, Stenobothrus rubicundulus. C’est un criquet unique en son genre qui frappe ses ailes les unes contre les autres pour émettre un chant, au lieu de frotter ses pattes contre ses élytres. Il est assez rare et n’est recensé que dans quelques zones des Alpes, en altitude. Je suis allé le rechercher à la frontière de la France et de l’Italie, au col de Larche. Je disposais d’un recensement récent avec des coordonnées GPS précises. Le ciel était parfaitement dégagé (condition obligatoire pour que les criquets chantent), et j’étais en plein dans sa période de reproduction. J’ai sillonné plusieurs hectares d’alpages pendant des heures, sans succès. Des centaines d’autres insectes chantaient, mais parmi eux, impossible de trouver ou d’entendre le Sténobothre hélicoptère. Fatigué et un peu déçu, j’ai décidé d’abandonner mes recherches. Au moment de rejoindre ma voiture, au bord de la route, j’ai soudain entendu un son… c’était un Sténobothre hélicoptère !
Lors d’un journée de tournage dans le massif des Maures, j’ai entendu une Cigale plébéienne, Lyristes plebejus, perchée en haut d’un arbre au bord d’une petite route. Le lieu était parfaitement calme, et fait assez rare, la cigale était seule à chanter, les conditions d’enregistrement idéales pour ma sonothèque. Malheureusement, ma perche de micro était trop courte pour me rapprocher suffisamment de la cigale, et impossible d’escalader l’arbre. Je suis donc monté debout sur le toit de ma voiture. Un automobiliste qui passait m’a regardé bizarrement.
Un soir, dans la garrigue à quelques kilomètres de chez moi, j’ai entendu un son qui ressemblait un peu au chant d’une courtilière. Je n’avais jamais entendu ce son auparavant. Alors je suis rentré chez moi chercher mon matériel d’enregistrement, mais quand je suis revenu sur place, le son avait disparu. J’y suis retourné le lendemain soir, le son était là à nouveau, émanant de plusieurs endroits. Pourtant, à chaque fois que je m’approchais d’une des sources, le son s’arrêtait. C’était étrange car les grillons nocturnes sont rarement aussi farouches. J’ai parcouru la garrigue, balloté de chant en chant, sans jamais pouvoir m’approcher suffisamment d’un des insectes. Vers minuit, tous les chants se sont arrêtés et je n’avais toujours pas d’enregistrement correct. Le lendemain, j’ai découvert que l’insecte que je pensais avoir découvert était en fait… un oiseau, l’Engoulevent d’Europe ! Jugez plutôt :
Il y a également eu plusieurs tournages pendant lesquels je n’ai pas trouvé les insectes que je cherchait, comme l’Arcyptère caussenarde, Arcyptera microptera. Un jour, j’ai rencontré une rare Arcyptère provençale, Arcyptera kheili, qui ne chantait pas, faute de soleil. Il y a aussi le Barbitiste à bouclier, Polysarcus scutatus, que j’ai vraisemblablement raté à quelques jours près (sa période de chant est de quelques semaines seulement). C’est décourageant, mais ça fait partie du métier. Certaines espèces restent donc sur ma liste pour un prochain volume.
Moindre mal, j’ai réussi à capturer parfaitement certains insectes, mais je n’ai pas pu les photographier. Parmi eux : le Grillon des marais, Pteronemobius heydenii, qui est noir, mesure 5 millimètres et se cache dans les hautes herbes près des étangs. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
Le Grillon bordelais, Eumodicogryllus bordigalensis, chante caché dans des amas de pierres. Il est extrêmement méfiant et arrête de chanter au moindre mouvement. Il m’a fallu plusieurs heures, par petits mouvements, pour l’enregistrer d’assez près. Et pour le photographier, il faut d’abord trouver la pierre sous laquelle il se cache, la soulever … et il disparaît en un éclair sous une autre pierre. J’ai donc fini par prendre une photo de son tas de pierre.
Il y a aussi des moment de chance, comme la découverte d’un Criquet espagnol, Ramburiella hispanica, à côté de chez moi, un jour où les cigales ne chantaient pas ; ou l’entrée par la fenêtre de mon studio d’une énorme Volucelle zonée, qui ressemble à un frelon.
Pour conclure
La nature nous offre à travers les insectes une grande variété de sons, dont une partie nous est habituellement inaudible. Humblement, je vous en propose un petit échantillon dans ce deuxième volume d’Ultrasonic Insects. J’espère que vous l’apprécierez autant que j’ai aimé l’enregistrer.
Un grand merci aux personnes qui m’ont, par leur patience ou leurs conseils, soutenu et aidé dans cette aventure. Je remercie également Jean-Pierre Vesco de m’avoir procuré des papillons Sphinx tête de mort.