Le microphone est probablement l’outil le plus important pour créer des sons. Pourquoi ? Parce qu’en sound design, on emploie presque systématiquement des sons réels, que l’on traite, modifie et combine. Le terme sound design peut laisser supposer que l’on synthétise des sons, mais il s’agit d’une pratique secondaire.
L’authenticité des sons réels
Par opposition à un son produit par un synthétiseur, un son réel produit acoustiquement possède des caractéristiques (fluctuations, imperfections, détails, composantes harmoniques complexes) que notre cerveau a une grande faculté à reconnaître et à accepter comme authentiques. Ainsi, l’enregistrement de sources sonores réelles est presque toujours le meilleur moyen de produire des sons nouveaux. Notre cerveau juge souvent les sons générés par des moyens électroniques ou numériques comme artificiels et peu crédibles. On fait seulement appel aux synthétiseurs dans des cas particuliers. Par exemple pour concevoir certains sons d’interface (UI), des sons d’alarme, des instruments de musique électronique, etc.
Les micros adaptés au sound design
Voyons quelques caractéristiques techniques à prendre en compte pour le choix d’un micro.
Le type
Électrostatique, dynamique, à ruban ? Les microphones électrostatiques sont les plus utilisés pour les enregistrements sur le terrain, en studio et en bruitage. Ils sont plus sensibles, plus précis et plus polyvalents. Les microphones dynamiques sont très abordables mais plutôt adaptés aux sources très fortes. Enfin, les micros à ruban, de par leur fragilité et leur poids, n’ont leur place qu’en studio musical.
Il existe aussi des microphones dépourvus de membranes qui captent les sons solidiens. On parle alors de micro de contact.
La directivité
Le choix de la directivité d’un micro dépend de la source qu’on enregistre, distante, proche, ponctuelle, large… On peut faire le parallèle avec la focale d’un objectif d’appareil photo. Si on veut enregistrer des sujets éloignés ou isolés dans un environnement bruyant, il faut utiliser des microphones avec une directivité de type hypercardioïde ou canon (l’équivalent d’une longue focale). Pour capter des scènes sonores larges comme des ambiances ou des véhicules, on préfère les micros omnidirectionnels ou cardioïdes (l’équivalent d’un grand-angle).
Les micros omnidirectionnels peuvent être préférés dans certains cas, car ils n’ont pas d’effet de proximité. Cela signifie qu’on peut les placer très proche d’une source sonore sans que le spectre ne soit déformé (à condition de respecter le niveau SPL maximum du micro). Ils sont également beaucoup moins sensibles aux mouvements d’air et au vent.
La réponse en fréquence
La plupart des micros de bonne qualité affichent une réponse en fréquence relativement plate de 20 Hz à 20 000 Hz. C’est le signe d’une bonne transparence acoustique, et donc d’un enregistrement réaliste et naturel. Le micro électrostatique d’entrée de gamme a souvent une réponse dans le haut-médium et l’aigu accentuée, avec un son agressif ou bien des basses et médium en retrait.
Il existe des micros dont la réponse en fréquence est plus étendue que notre audition, qui contiennent des fréquences situées dans l’ultrason. Cela ouvre la possibilité de ralentir (pitcher) le son enregistré avec beaucoup de souplesse et obtenir ainsi de nouveaux sons naturels et parfaitement exploitables. Pour mieux comprendre, voir l’article Tout savoir sur le Pitch shifting.
À l’inverse, on emploie parfois des micros avec une réponse en fréquence réduite. C’est le cas de certains micros de contact qui permettent de capturer des sons solidiens de basses fréquences avec une très grande sensibilité, mais qui ne captent pas de sons aigus. C’est parfait pour produire des sons à destination du canal LFE (caisson de basse) ou des textures qui donnent du poids à d’autres sons. On peut recourir à ce type de micro en conjonction avec des micros électrostatiques pour créer des effets sonores plus grands que nature.
Le bruit propre
Quand on veut retranscrire fidèlement des sons de faible intensité, la dynamique et le bruit propre d’un micro sont des paramètres à prendre en compte. Par exemple, pour retranscrire une ambiance calme de nature, il faut disposer de micros sensibles avec un bruit propre faible. Un micro sensible est requis pour enregistrer certains bruitages délicats (bruitages de vêtements, manipulation d’objets, etc).
Les micros bon marché
On dit souvent qu’il vaut mieux employer un seul bon micro que plusieurs micros bas de gamme. C’est souvent vrai, mais dans certains cas de figure, si on est confronté à de grands risques pour le matériel, on préfère parfois employer des modèles moins onéreux, au risque de les abîmer. Par exemple :
- Enregistrement de véhicules (micro à proximité du moteur, pneus, pot d’échappement).
- Enregistrement de rochers, éboulements, débris.
- Prise de son à proximité de l’eau (rivière, bateau, forte pluie).
- Endroits très sales ou poussiéreux (carrières, chantiers).
- Enregistrement d’explosions, arme à feu.
Ci-dessous un micro Oktava MK12, relativement bon marché, que j’ai placé près du pot d’échappement d’une Jaguar MKII.
Les ensembles de micros
Lorsqu’on enregistre le son d’une source sonore complexe, comme un véhicule, il est très utile de placer plusieurs micros à des endroits stratégiques. Dans le cas d’une voiture, on peut en placer dans l’habitacle, près du pot d’échappement, dans le compartiment moteur et à l’extérieur. Chaque micro sera enregistré sur sa propre piste avec un enregistreur multipistes. On dispose alors d’une infinité de combinaisons de micro pour composer des nouveaux sons dans une station de travail audionumérique. C’est un atout important pour fabriquer des plans sonores différents dans le cadre d’un montage son cinéma.
Ci-dessous une prise de son à 5 micros que j’ai réalisée sur un vélorail pour créer des assets de sons de train de la mine. Toutes les pistes sont synchrones, notez comme le son de chaque micro apporte possède une couleur particulière.
Existe-t-il un micro à tout faire ?
Pas vraiment. Il existe des micros plus polyvalents que d’autres, mais aucun qui puisse réellement couvrir toutes les situations de prise de son. Un bon microphone statique cardioïde (ou mieux un couple) est toujours une acquisition judicieuse.
Pour ma part, le micro que j’utilise sans doute le plus souvent est le Neumann KMR81. J’apprécie sa réponse en fréquence très naturelle et le fait qu’il permet d’isoler assez facilement les sons de leur environnement sonore. J’utilise aussi beaucoup les Sennheiser de la série 8000 dans différentes configurations stéréo et multicanales. Lorsque je voyage (voir Enregistrer aux Canaries) je transporte toujours un petit enregistreur léger pour capter des sons inattendus que je n’aurai pas l’occasion de rencontrer à nouveau.
